Interview. Rénovation énergétique, RE2020… : une nouvelle approche pour la qualité de l’air intérieur ?

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Comment sait-on que l’air intérieur des bâtiments est cinq à dix fois plus pollué que l’air extérieur ? Que les écoles sont plus polluées que les bureaux, et les logements rénovés plus que les logements non-rénovés ? Pourquoi le Grenelle a mis en place un étiquetage obligatoire des matériaux de construction ? Comment ont été fixées les valeurs guides réglementaires pour le benzène ou le formaldéhyde dans les logements ? Grâce aux travaux de l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur, dont le CSTB est l’opérateur depuis 20 ans. À l’occasion de cet anniversaire, retour sur les principaux résultats des campagnes de mesures passées et leurs traductions réglementaires, et sur les travaux à venir avec Driss Samri (directeur Santé Confort au CSTB) et Corinne Mandin (chef de division CSTB). 

Quels sont les principaux travaux menés par l’OQAI depuis sa création et comment ont-ils été traduits dans la réglementation pour les logements ? 

En 2001, nous ne disposions que de très peu de données concernant la qualité de l’air intérieur (QAI) dans les bâtiments. Notre première mission a donc consisté à caractériser le phénomène et à le quantifier. Au fil des ans, nous avons initié plusieurs campagnes nationales sur des échantillons représentatifs des différentes typologies de bâtiments : logements, bureaux, écoles…

Très vite, ces campagnes nous ont permis de démontrer que la concentration de polluants dans l’air intérieur pouvait être jusqu’à dix fois plus élevée que dans l’air extérieur, une spécificité ignorée à l’époque. Puis, nous nous sommes attachés à identifier les déterminants des polluants. Par exemple, la proximité avec le trafic automobile, la présence d’un garage attenant au logement ou la consommation de tabac produisent du benzène ; des dégâts des eaux mal gérés entraînent l’apparition de moisissures ; le nettoyage à sec du pressing apporte du tétrachloréthylène… Nous avons ainsi constaté que le niveau socio-économique des occupants avait un impact sur les pollutions présentes dans les logements.  

Ces travaux se sont traduits concrètement par l’instauration d’un étiquetage obligatoire des matériaux de construction et de décoration informant de l’émission de certaines substances, listées par l’OQAI en amont, ou par la mise en place, dès 2011, de valeurs guides réglementaires pour le benzène et le formaldéhyde afin de stimuler les actions correctives.  

Plus récemment, l’obligation de mesure des débits ou pressions aux bouches aérauliques des systèmes mécaniques de ventilation dans les logements neufs, dans le cadre de la RE 2020, a également été décidée car nos campagnes démontraient que nombre d’installations ne respectaient pas les valeurs réglementaires. 

Quid des bureaux et des écoles ? 

La campagne nationale dans les écoles (2013-2017) a permis d’identifier quatre points de vigilance : une pollution aux particules fines très élevée et liée à la proximité routière, la présence de certains composés organiques semi-volatils comme les phtalates dans 100% des classes, la présence de plomb dans les peintures dans une proportion d’écoles jugée élevée puisque 15% des écoles sont encore concernées et un renouvellement d’air insuffisant dans 40 % des écoles. 

Ce constat a abouti à la mise en place du dispositif de surveillance de la QAI – dans les établissements d’accueil collectif d’enfants de moins de six ans, les écoles maternelles et élémentaires en 2018, puis dans les centres de loisirs et les établissements d’enseignement ou de formation professionnelle secondaires en 2020 – dans lequel l’OQAI a été force de proposition en matière de polluants à surveiller et de protocoles à mettre en place

Pour les bureaux – plutôt moins pollués comparés aux logements et aux écoles selon notre campagne de mesures (2013-2017) portant sur 129 immeubles – l’OQAI recommande actuellement une bonne application de la réglementation (surveillance annuelle de la VMC, débit de 25m3/h/personne) ainsi que la mise en place de bonnes pratiques : utiliser moins de produits ménagers, ne pas installer l’imprimante à proximité des collaborateurs, penser son cloisonnement de manière à ne pas perturber le chemin de l’air en présence d’un système de ventilation… 

Quels sont les chantiers à venir ? 

Il y a un travail à fournir sur l’étiquetage des meubles alors que l’Anses a identifié 21 substances polluantes spécifiques du mobilier. Une évaluation des systèmes d’épuration de l’air, dont on a beaucoup entendu parler avec le Covid, devrait également être menée. La sensibilisation des occupants aux gestes de bon sens (ouvrir régulièrement les fenêtres, ne pas boucher les grilles de ventilation…) pourrait également être améliorée. En matière de polluants, de nouveaux travaux sont en cours, notamment dans le cadre de la nouvelle campagne nationale « Logements », sur les pesticides et les perturbateurs endocriniens. Dans cette campagne, les mesures de QAI se font également en s’appuyant sur la nouvelle génération de capteurs connectés de mesure en continu. 

Enfin, une sensibilisation à la QAI dans le contexte de massification de la rénovation énergétique doit également être portée. Il faut embarquer la ventilation avec l’isolation car on le sait, plus on étanchéifie l’enveloppe du bâtiment, plus la ventilation devient indispensable. On l’a constaté dans une campagne de mesures portant sur le radon : les maisons rénovées avaient des concentrations en radon plus élevées que celles qui n’avaient pas fait l’objet de travaux de rénovation énergétique ! Il faut parvenir à sensibiliser les professionnels comme les particuliers sur ce point. L‘arrivée de la RE 2020 devrait permettre d’amorcer cette nouvelle approche. 

Zoom : le coût de la pollution de l’air intérieur évalué à 19 milliards d’euros par an

Une étude exploratoire menée par l’OQAI et l’Anses dès 2014 a permis d’évaluer à 19 milliards d’euros par an le coût socio-économique de la pollution de l’air intérieur pour la société. Elle a porté sur six polluants (benzène, trichloroéthylène, radon, monoxyde de carbone, particules et fumée de tabac rejetée par le fumeur et qui s’échappe de la cigarette) et leurs impacts sanitaires (nombre de décès et de pathologies liées aux polluants) comme sur les finances publiques. 

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