Interview : « Manque d’information, arrêtés manquants… Les raisons du retard d’application du décret tertiaire »

Les propriétaires et exploitants de bâtiments tertiaires bénéficient de trois mois supplémentaires, jusqu’au 30 décembre 2022 donc, pour renseigner sur la plateforme Operat leurs données de consommations d’énergie de 2020 et 2021 ainsi que leurs données de consommation de l’année de référence choisie. Décryptage de la situation actuelle avec Marc-André Merlet, expert du DEET chez Equans et représentant du Serce auprès de la DHUP (Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages, Ministère de la transition écologique) et de l’ATEE (Association Technique Energie Environnement).
Où en est-on dans la mise en application du décret ?
Rappelons que le DEET (Dispositif Eco-Energie Tertiaire) est un dispositif réglementaire qui vise à réduire de manière progressive la consommation d’énergie dans les bâtiments tertiaires. L’objectif est d’arriver à une baisse de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050. Issu des décrets d’application de la loi ELAN votée en 2018, ce décret et l’ambition qu’il porte prennent une résonance particulière alors que les appels à sobriété et à la performance énergétique se multiplient.
Cette trajectoire implique de définir un point de départ pour mesurer les progrès effectués. Le ministère de l’Écologie vient d’annoncer un report de la date limite pour que l’ensemble des bâtiments concernés effectuent leur première déclaration de consommation. Bureaux, établissements d’enseignement, de santé, de logistique, commerces, hôtels et restaurants, salles de sports et de spectacles, gares, parkings ou encore surfaces à usage tertiaire de bâtiments industriels ou militaires ont jusqu’au 30 décembre pour s’inscrire sur la plateforme dédiée Operat et renseigner leurs premières données.
Pourquoi avoir accordé un délai supplémentaire ?
La première raison est pragmatique : il faut permettre à l’ensemble des acteurs de rentrer dans la démarche. C’est l’addition de la mise en place de solutions d’efficacité énergétique qui permettra d’avoir un impact conséquent sur le défi climatique, dans un contexte économique tendu. À la suite des trois mois de délais supplémentaires, les services de l’État lanceront une démarche visant à contacter les assujettis qui n’ont pas encore ouvert de compte sur Operat pour leur signifier leurs obligations.
Mais le manque d’information n’est pas le seul facteur qui explique que trop d’acteurs ne sont pas encore engagés dans l’application du décret. En effet, le point de départ de la démarche de progrès peut être fixé avec une année de référence ou calculé à partir d’une consommation en valeur absolue. Cette deuxième possibilité repose sur un calcul à partir de la composition des surfaces tertiaires du site, de leurs typologies pour lesquelles une consommation de chauffage / climatisation et une consommation d’usage permettent de définir une consommation objective qui sera autorisée à horizon 2030, 2040 et 2050. Ainsi, pour un bureau, la consommation visée en plus de la consommation en relation avec les variations climatiques et l’altitude prend en compte l’énergie nécessaire au fonctionnement d’un ordinateur, d’une photocopieuse, d’un téléphone, de l’éclairage et plus généralement tout élément consommateur d’énergie en relation avec l’usage dont il est fait de la surface tertiaire.
À ce jour, plus de 600 types de surfaces tertiaires ont été identifiées. Et la liste n’est pas close. Les centres thermaux par exemple ne sont pas encore référencés alors qu’ils ont des particularités et des contraintes d’usage spécifiques. Les experts d’Equans se mobilisent actuellement pour aider à faire remonter ces typologies en y associant des propositions de consommation en valeur absolue. Or, le second arrêté « valeurs absolues » qui encadre l’application du DEET ne répertorie qu’environ 50 typologies de surfaces, ne permettant pas de fait à de nombreux assujettis au dispositif, de renseigner leur composition de site sur la plateforme Operat. Des arrêtés complémentaires sont attendus dans les prochains mois. Le léger retard pris au démarrage ne devrait toutefois pas être en mesure de briser la dynamique en cours et qu’il faut accélérer. C’est le beau défi qui s’offre à l’ensemble du secteur tertiaire.
Quels sont les outils disponibles pour relever ce défi ?
Pour accompagner les acteurs dans la démarche, la plateforme numérique Operat permet la saisie des données collectées, en particulier le volet administratif, les consommations et la composition surfacique du site. Il est aussi possible de s’appuyer sur des experts pour collecter, analyser et traiter ses données. En tant qu’intégrateur, Equans peut assurer l’ensemble des opérations et proposer les solutions énergétiques innovantes à mettre en œuvre pour répondre aux objectifs de réduction des consommations en valeur relative ou valeur absolu.
Le contexte international est évidemment un incitateur fort pour accélérer la démarche du DEET qui est une réponse à la sobriété autant qu’aux tensions sur les marchés et l’approvisionnement en énergie. Cette trajectoire vertueuse de décarbonation illustre la volonté d’Equans d’être aux côtés de ses clients pour les aider à relever les défis de la triple transition énergétique, industrielle et digitale. Cela passe par un triptyque : consommer moins, consommer vert et consommer flexible.