Interview. « L’intégration du numérique dans les bâtiments et la ville est nouvelle et ça heurte beaucoup de métiers et de modèles d’organisation »

Après avoir créé le cadre de référence R2S en 2018, l’association SBA (Smart Buildings Alliance for Smart Cities) s’attaque aujourd’hui à la formation. Collectivités, professionnels du bâtiment ou simples citoyens, la Smart building Academy (SBA) a pour vocation d’accompagner chacun d’eux dans leur transition numérique et environnementale via des modules de formation. Emmanuel François, président de l’association, évoque ce changement de paradigme pour les bâtiments et la ville de demain et comment l’association entend y faire face.
L’association SBA (Smart Buildings Alliance for Smart Cities) a été fondée il y a neuf ans. À quelle problématique répondait sa création ?
Emmanuel François : Dès le départ, l’objectif était d’accompagner les acteurs du bâtiment sur la transition numérique et environnementale, en présentant les évolutions de manière transversale. C’était un pari un peu fou qui réunit aujourd’hui 500 membres et qui s’internationalise, en Italie notamment. Il était central que ces acteurs se parlent et s’entendent sur des référentiels communs. L’intégration du numérique dans les bâtiments et la ville est nouvelle et ça heurte beaucoup de métiers et de modèles d’organisation. En 2018, déjà, l’association créait le cadre de référence R2S (voir encadré) dont le but est de mutualiser les infrastructures numériques des bâtiments et de la ville pour tous les services. Aujourd’hui, chacun vient avec son système, à l’image du compteur Linky, alors que c’est surtout ce qu’il ne faut pas faire. Cette approche jacobine n’est plus adaptée à notre monde, il faut des gouvernances locales car on parle de données individualisées. Nous prônons l’idée d’un réseau unique, seul point de convergence des données d’une même ville. Comme tout est lié, au-delà des acteurs du bâtiment, nous pensons que les collectivités doivent aussi être accompagnées dans cette mutation.
C’est pour cette raison aussi que vous avez créé la SB Academy ?
EF : Nous nous sommes rendu compte que nous avions énormément de matières et de données intéressantes à communiquer. L’association a alors organisé quelques webinaires qui rassemblaient plus de 300 personnes à chaque fois. Comme ça plaisait, nous nous sommes dit qu’il fallait créer un modèle qui s’autofinance. On a œuvré pour être certifié organisme de formation et data locké pour délivrer des formations qui rentrent dans le cadre des crédits de formation. Tous les modules sont prêts et traiteront entre autres, de l’intelligence artificielle, l’interopérabilité des systèmes (notion d’API) ou évidemment de la finalité de nos cadres de références. Dans les prochaines semaines, la SB Academy devrait s’associer à un organisme de formation pour aider la commercialisation et la communication de ces formations. Nous attendons la rentrée pour lancer cela.
Vous parlez de mutations importantes au sein des bâtiments et de la ville. Est-ce qu’en parallèle, les mentalités concernant la transition énergétique évoluent assez rapidement selon vous ?
EF : Jusqu’à aujourd’hui, je croyais au changement de mentalité, mais vu les enjeux et le temps qui passe, je commence à douter. Si on veut éviter les problèmes d’approvisionnement énergétique, d’eau et les conflits sociaux tout en limitant la pollution, il faut repenser les modèles et optimiser les ressources des villes. Le numérique est l’outil pour parvenir à développer des conceptions plus transversales. Un exemple avec R2S 4 mobility, le référentiel pour les bornes des véhicules électriques. Aujourd’hui, un propriétaire de véhicule électrique utilise sa place avec la borne de recharge, point. Dans trois ans, si les millions de propriétaires font de même simultanément, le réseau ne tiendra pas. ce sera la catastrophe. C’est pourquoi l’usage du numérique est incontournable afin de permettre le développement de systèmes d’informations qui indiquent s’il y a un pic de consommation et si la solution ne serait pas de baisser la propre consommation du logement entre autres pour que la puissance du réseau perdure dans le temps sans que cela ne coûte trop cher aussi. Je sais que la Commission européenne s’intéresse à nos cadres de références et ce n’est pas plus mal car l’enjeu de formation des entreprises et d’éducation des citoyens est grand. Il y a des embryons de smart cities en France, comme à Montpellier ou Lyon confluence, mais nous ne sommes qu’aux prémices. Selon moi, il ne nous reste même pas 10 ans pour y parvenir.
> En plus : Le cadre de référence R2S
Lancé par l’association SBA, le référentiel R2S, pour Ready2Services, se décompose en 60 exigences, réparties en six points majeurs. D’abord, l’état de la connexion entre le bâtiment et les réseaux extérieurs, l’architecture du réseau IP dans le bâtiment, la définition précise des équipements et interfaces de communication installés dans le bâtiment, dans le but de favoriser l’interopérabilité. Puis, le niveau de sécurité numérique afin d’éviter le piratage, le « management responsable », c’est-à-dire la définition de la propriété des données, comment les utiliser, etc. Et enfin la capacité de connectivité et de communication du bâtiment pour le développement de services. Vingt-cinq exigences sont obligatoires pour obtenir le niveau minimum.
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