La France au pied du mur carbone

En six mois, le Gouvernement a été mis en cause à trois reprises pour son insuffisance de résultats en matière de réduction des émissions de CO2, notamment dans le bâtiment.
Jugement du tribunal administratif de Paris en février, rapport du Haut conseil pour le climat en juin, injonction du Conseil d’État en juillet… Depuis le début d’année, le Gouvernement a été sommé par trois fois par trois instances différentes d’agir plus vite et plus fort dans la lutte pour la réduction des émissions de CO2. L’objectif actuel de – 40% à l’horizon 2030 (par rapport à 1990) semble impossible à atteindre avec les politiques publiques en cours. Fin juin, dans son rapport annuel « Renforcer l’atténuation, engager l’adaptation » le Haut conseil pour le climat, pointait ainsi « les efforts actuels insuffisants pour garantir l’atteinte des objectifs 2030, et ce d’autant plus dans le contexte de la nouvelle loi européenne sur le climat ». Baptisé « Fit for 55 », ce nouveau Paquet énergie présenté le 14 juillet par la Commission européenne, et qui va être discuté ces prochains mois, vise une diminution de 55% des émissions de GES à l’horizon 2030 contre 40% actuellement. Conséquence : des « efforts d’adaptation doivent être rapidement déployés », et cela dans l’ensemble des secteurs. Y compris dans le bâtiment.
Dans le bâtiment, il faut accélérer
En effet, si le quatrième plus gros émetteur de CO2 avec 17% du total, derrière les transports, l’industrie et l’agriculture observe « une baisse des émissions continues depuis 2015 » (-6, 8 % entre 2015 et 2018), relèvent les 13 membres de l’organisme indépendant, cela ne suffit pas. L’action publique « nécessite d’être accélérée pour être en phase avec le rythme prévu par la SNBC 2019-2023 », qui « manque d’ambition ». Le Haut Conseil cite notamment le report de l’interdiction des chauffages au fioul de six mois ou la refonte du DPE jugée « insatisfaisante ».
L’instance chargée d’émettre des avis sur les politiques publiques appelle également le Gouvernement à accroître, consolider et utiliser plus efficacement les moyens du Plan de relance. Actuellement, celui-ci « est bien positionné au niveau mondial » mais « l’essentiel de ses dépenses s’inscrit dans la continuité de l’action actuelle, avec une réduction insuffisante des émissions », dans plusieurs ministères ou dans le bâti scolaire notamment.
Loi Climat Résilience
Deux jours après la publication du rapport du Haut conseil pour le climat, c’était au tour du Conseil d’État d’enjoindre le Gouvernement à « prendre des mesures supplémentaires d’ici le 31 mars 2022 pour atteindre l’objectif de réduction des GES de 40% d’ici 2030 ». Le juge administratif suprême avait été saisi en 2019 par la commune de Grande-Synthe (Nord) et par plusieurs associations qui reprochaient au Gouvernement son refus de prendre des mesures supplémentaires pour respecter les objectifs issus de l’accord de Paris. Dans sa décision, le Conseil d’État remarque que l’objectif de diminution de 12% des GES pour la période 2024-2028 « ne pourra être atteint si de nouvelles mesures ne sont pas adoptées à court terme ».
Tout en « prenant acte de cette décision », le Gouvernement a mis en avant les « nouvelles mesures législatives contenues dans le projet de loi « Climat et Résilience » comme la mise en place d’un accompagnement pour tous les ménages qui veulent rénover leurs logements », et s’est engagé à publier rapidement « l’ensemble des textes d’application de la loi » portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.
Un objectif qui évolue
Scrutée par le Haut conseil pour le Climat et par le Conseil d’État, la loi Climat Résilience le sera également par les quatre ONG de « l’Affaire du Siècle ». Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme (FNH), Greenpeace France et Oxfam France avaient en effet remporté une première victoire en début d’année, en obtenant du Tribunal administratif de Paris un jugement reconnaissant l’action gouvernementale insuffisante en matière de réduction de GES entre 2015 et 2018. « La justice a également reconnu que l’inaction climatique de la France cause un préjudice écologique, c’est-à-dire des dommages graves à l’environnement », précisent les ONG sur le site dédiée à l’action soutenue par plus de 2 millions de citoyens.
Après un second échange d’arguments, une nouvelle audience devrait avoir lieu cet automne, soit quelques semaines après l’adoption de la loi Climat Résilience (le 20 juillet 2021 ndlr). Reste maintenant à savoir si les dispositions contenues dans le texte suffiront à remettre la France dans la bonne trajectoire climatique.
* Stratégie nationale bas carbone.
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