Et si on tentait l’expérience du bâtiment zéro déchet ?

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Le « zéro waste », le « zéro déchet » ou encore le « zéro gaspi », trois expressions pour une même démarche : celle de réduire son impact sur l’environnement, en diminuant la quantité de déchets produite. En tant que Français lambda, cela signifie se tourner vers des pâtes en libre-service ou préférer des savons solides. Mais lorsque l’on est un géant du BTP, comment agir ? Depuis 2019, Bouygues Bâtiment Ile-de-France a lancé une phase de tests sur onze chantiers, dont le Kanal à Pantin. Deux ans après, le bâtiment est en cours de livraison. Retour sur l’opération « 0 déchet ultime ».

Expérimenter le chantier « 0 déchet ultime », c’est valoriser à 100% les déchets de chantier pour ne pas atteindre le stade de déchet ultime qui n’est donc par définition, plus réutilisable. « Ce sont des nouvelles techniques de travail, comme le dit Charlotte Kesler, responsable gros œuvre chez Bouygues Bâtiment Ile-de-France, qui changent nos modes opératoires ». À Pantin, pour le chantier du bâtiment Kanal, cette démarche a commencé très en amont du projet, précisément dès la démolition de l’ancien bâtiment. Au lieu de partir à la benne, 2800 m² de dalles des faux-planchers ont été récupérées, remises en état et réemployées sur d’autres projets. Un réemploi atypique qui a nécessité un curage important et de garder un ascenseur existant pour déposer ces dalles. Mais comme l’empreinte carbone d’une dalle de réemploi est 7.5 fois inférieure à une dalle neuve, cela a représenté une économie de 52kgCO2/m². Autre matériel mis automatiquement à la benne habituellement : les coffrages carton pour la réalisation des poteaux béton armé. Aujourd’hui, ils sont en carton, alors Bouygues a décidé de concevoir des outils de coffrages poteaux avec du métal pour pouvoir les réutiliser à chaque étage de la construction. A raison de 53 poteaux par niveau, c’est finalement 7000 kg de déchets non recyclables économisés.

Testé et approuvé

Il y a des paris réussis et déjà adoptés à l’image aussi des caisses plastiques consignées pliables pour la livraison du matériel en phase gros œuvre par exemple. Au lieu d’utiliser des cartons classiques, qui, s’ils sont mouillés, ne sont plus réutilisables ni recyclables. La plateforme de livraison interne à Bouygues propose dorénavant cette alternative à l’ensemble des chantiers de la région Ile-De-France. À Pantin, cela représente près de 500 kg de cartons économisés et une centaine de palettes non livrées. Ce nouvel usage devrait même être étendu au reste des chantiers en France. Pour obtenir et faire-valoir de telles réussites en phase test, certains chantiers participant à la démarche « 0 déchet ultime » se sont dotés d’un « homme vert ». Cette personne est chargée de contrôler le tri des déchets sur chantier, du début à la fin et de rendre compte, chaque trimestre, de ce qui fonctionne ou non car la stratégie de Bouygues est ambitieuse. A l’horizon 2030, le groupe compte réduire de 40% ses émissions directes et indirectes liées à la consommation énergétique (électricité sur chantier par exemple) et de 30% les autres émissions indirectes générées en amont des chantiers (achats de matériaux, frets, etc.).

Et parfois, non !

Mais c’est court 10 ans pour faire évoluer les mentalités et les habitudes. « Dans les différentes phases du chantier, gros œuvre, corps d’état secondaires, nous avons constaté des difficultés en raison d’un grand nombre d’intervenants en même temps. Souvent, tous les déchets sont mis dans la même benne, par habitude. Alors que pour ce chantier, nous avions réussi à en avoir quatre, pour les répartir en fonction de leur nature », explique William Le Goff, ingénieur travaux chez Bouygues Bâtiment Ile-de-France. Selon lui, durant cette phase, les déchets sont trop nombreux et logistiquement parlant il faut que cela ait du sens « on ne peut pas mettre 20 bennes sur chantier ». Du côté des prestataires de traitement des déchets, le chantier de Pantin a permis de mettre en lumière le problème du plastique « souillé », s’il a pris l’eau ou la poussière, il ne peut être valorisé, même si à la base il est recyclable. « A titre de comparaison, pour nos déchets ménagers, nous ne devons plus rincer les emballages comme c’était préconisé il y a quelques années avant de les jeter dans la poubelle jaune. Dans la construction, il y a encore du travail, mais c’est nécessaire lorsque l’on sait que la RE2020 va arriver, renchérit la responsable gros-œuvre. Aujourd’hui, un chantier « 0 déchet ultime » peut apparaître comme étant une contrainte car cela nous demande de nouvelles réflexions et de nouveaux process, mais c’est à nous de réfléchir à ce que sera le bâtiment de demain, que ce soit au niveau du type de matériaux utilisé ou de la façon de construire ». À noter qu’en complément de la démarche « 0 déchet ultime », l’emploi de béton bas carbone à base de ciment CEM III a été privilégié.

Le chantier Pantin Kanal, c’est donc 870 tonnes de CO² économisées, le tout avec un planning respecté puisque le bâtiment sera livré, comme prévu, en mai.

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